À l’occasion de l’Université territoriale « Territoires littoraux en Nouvelle-Aquitaine : préparer l’avenir face à la montée des eaux », organisée à Bordeaux les 27 et 28 novembre 2024, Yann Friocourt, responsable des outils de modélisation pour la gestion de l’eau à la Rijkswaterstaat, a partagé sa vision et son expérience sur la gestion des risques côtiers face au changement climatique.
Les Pays-Bas, un modèle de résilience face à la montée des eaux
Yann Friocourt, Français expatrié depuis 17 ans aux Pays-Bas, occupe depuis une décennie un poste stratégique au sein de la Rijkswaterstaat, agence relevant du ministère de l’Infrastructure et de la Gestion de l’eau. Il est responsable des outils de simulation numérique utilisés pour préparer le pays au changement climatique et à la gestion des ressources en eau. Sa mission l’amène à travailler sur des problématiques essentielles pour l’avenir des Pays-Bas : prévention des inondations, approvisionnement en eau douce et adaptation aux mutations climatiques.
Lors de l’entretien, Yann Friocourt a mis en lumière la stratégie néerlandaise, centrée sur la prévention. Les Pays-Bas, largement vulnérables en raison de leur situation géographique, investissent massivement dans une approche combinant surveillance continue, renforcement des infrastructures (digues, dunes, barrages anti-tempêtes) et gestion adaptative des risques.
« Nous n’agissons pas directement face au changement climatique ou à la montée des eaux, mais nous surveillons et réagissons lorsque les risques — combinant probabilités et impacts — évoluent », explique-t-il.
Un programme visionnaire : le Plan Delta
Depuis 2010, le Plan Delta structure la réponse des Pays-Bas aux défis climatiques, avec une perspective à long terme qui s’étend jusqu’à 2100. Cependant, Yann Friocourt souligne que des scénarios plus pessimistes, envisageant une montée du niveau de la mer jusqu’à cinq mètres, ont conduit à des réflexions supplémentaires. Ces analyses confirment que les solutions techniques actuelles restent viables — bien que coûteuses — mais qu’elles pourraient atteindre leurs limites dans les zones densément peuplées ou pour la gestion des voies d’eau ouvertes, stratégiques pour l’économie.
Un enjeu global : anticiper les conséquences de la salinisation
Outre la protection contre les inondations, la montée des eaux provoque une salinisation croissante des sols et des nappes phréatiques, menaçant l’approvisionnement en eau douce des Pays-Bas. Cette problématique, qui résonne particulièrement avec les enjeux rencontrés en Nouvelle-Aquitaine, appelle à une adaptation rapide des priorités nationales : eau potable, agriculture et gestion des écosystèmes côtiers.
Des choix difficiles pour l’avenir
L’entretien a également abordé le débat stratégique qui agite les cercles scientifiques et politiques néerlandais : les infrastructures massives suffiront-elles à elles seules ? Ou faudra-t-il envisager des décisions plus radicales, telles que des replis stratégiques ou l’abandon de certaines zones ? Ce dilemme, bien que lointain pour certains, se rapproche inexorablement. Yann Friocourt rappelle que les Pays-Bas, grâce à leur modèle de concertation (le « polder model »), réussissent à impliquer l’ensemble des acteurs — gouvernement, secteur privé, société civile et scientifiques — dans la définition d’une vision partagée.
Un échange inspirant pour la Nouvelle-Aquitaine
La Nouvelle-Aquitaine, avec son littoral de plus de 720 kilomètres, partage des enjeux majeurs avec les Pays-Bas : gestion du trait de côte, préservation des activités économiques et résilience des territoires. Les pistes d’adaptation explorées par Yann Friocourt résonnent directement avec les stratégies régionales. Comment trouver un équilibre entre solutions techniques et choix stratégiques ? Jusqu’à quand nos modèles actuels seront-ils viables ?