Aujourd’hui, nous abordons la question de l’innovation nipponne en nous demandant si le Japon est toujours le pays de l’innovation par excellence. Pour tenter de répondre à cette question, j’ai le plaisir d’avoir à mes côtés le professeur Adderrahmane Kheddar, directeur du laboratoire franco-japonais de robotique, et Damien Durand, journaliste spécialiste du Japon.
Avant de présenter plus précisément nos invités, permettez-moi de commencer par un petit point de contexte : dans les années 1970-1980, le Japon était au niveau mondial le nouveau leader de l’innovation. Qu’en reste-t-il aujourd’hui après plusieurs décennies de marasme économique ? Pourquoi l’iPhone n’a-t-il pas été créé par une entreprise nipponne ? Pourquoi est-ce un sud-coréen, et non un japonais, qui est devenu le principal concurrent d’Apple ? Le pays du soleil levant serait-il en train d’être éclipsé, ou du moins semé dans la course globale à l’innovation ? Autre constat : la nouvelle culture start-up dont la Silicon Valley a accouché semble plus difficilement applicable à une économie japonaise. D’aucuns affirment que cette économie japonaise serait centrée sur l’amélioration de sa chaine de production alors même que le système financier nippon ne serait pas naturellement sensible aux besoins des start-up et que la fiscalité japonaise ne favoriserait pas la création d’entreprises innovantes en quête de levées de fonds rapides. Et pourtant, il serait faux d’affirmer que le Japon est sorti de l’histoire mondiale de l’innovation. On peut en effet toujours trouver des contre-exemples dans le numérique, dans les télécommunications, dans l’internet des objets ou l’Intelligence artificielle.
Un mot également sur la position du Japon en Asie dans les dépôts de brevets. De 2004 à 2014, le nombre de brevets déposés en Chine a explosé puisqu’il a été multiplié par 12,1, alors qu’il augmente sensiblement en Corée du Sud (+70%) et qu’il décline légèrement au Japon (-8,6%). Le Japon est ainsi toujours en 2ème position en Asie, derrière la Chine qui dépose deux fois plus de brevets que lui. Cela étant, le Japon reste leader en Asie puisque, même s’il dépose moins de brevets que la Chine, 64% des brevets japonais sont acceptés contre seulement 21% pour les chinois.
Pour prolonger cette réflexion sur la position du Japon dans la course à l’innovation mondiale, je me tourne maintenant vers vous Damien Durand. Vous êtes journaliste, spécialiste du Japon, vous travaillez actuellement à France Soir, après avoir été journaliste reporter au service économique du Figaro et après des années de journalisme indépendant. Vous avez aussi travaillé au bureau parisien du Mainichi, l’un des plus grands quotidiens japonais. Vous avez récemment coréalisé un film documentaire intitulé A l’ombre du soleil levant consacré aux sans-abris au Japon et aux raisons rendant définitive leur exclusion de de la société japonaise. Enfin, vous collaborez régulièrement à Asiaslyst.com, le site sur l’Asie du Japon au Pakistan. Vous écrivez pour nous des articles consacrés à l’économie et aux entreprises japonaises. J’ai deux questions à vous poser : comment remettre plus précisément en perspective le positionnement actuel du Japon dans la course mondiale à l’innovation ? En quoi le Japon montre-t-il à nouveau des signes de réussite avec de nouveaux grands groupes innovants ?