Le promotion des auditeurs et auditrices du cycle 2020 2021 vient de se donner un parrain prestigieux : il s’agit de Michel Serres
Michel SERRES est un philosophe français né en 1930 à Agen et mort en 2019 à Paris.
S’il est, comme son éditeur Le Pommier le décrit, un « voyageur infatigable de la pensée », il faut préciser que les sciences, qu’il considérait comme la grande aventure de l’humanité, en furent la boussole constante.
Ce fils de marinier, passionné par les mathématiques, a d’abord été reçu à l’Ecole navale en 1949. Il en démissionna rapidement pour l’Ecole normale supérieure dont il réussit le concours d’entrée en 1952. Il date sa conversation à la philosophie au choc que provoqua chez lui Hiroshima, qui le détourna d’un scientisme associant trop mécaniquement science et progrès moral. Depuis, le problème de la violence a été constamment au cœur de sa réflexion.
Centrée sur les transformations, les mutations, les transitions d’un monde à l’autre, cette réflexion se développera en unissant toujours très étroitement les sciences de la nature et les sciences de la culture.
Avant d’entrer à l’Académie française en 1990 et de se faire connaître du grand public, il réalise une carrière de professeur de philosophie, d’abord à la Sorbonne, à partir de 1969, puis à l’université de Stanford en 1984. C’est durant cette période qu’il écrit Le système de Leibniz et ses modèles mathématiques (1968), La naissance de la physique dans le texte de Lucrèce (1977), et qu’il débute la série des Hermès (1968-1980) où il développe une réflexion sur les impacts de la science dans la société.
Juste avant son entrée à l’Académie, il écrit le Contrat naturel (1990), ouvrage consacré à la crise écologique, où il appelle l’humanité à contenir sa puissance et l’invite à signer un contrat avec la nature.
Il déclinera cette thèse dans ses ouvrages suivants, consacrés aux transitions sous toutes leurs formes.
A partir des années quatre-vingt dix, il partage son savoir et son approche de la philosophie au plus grand nombre, notamment à la télévision et la radio. Il devient en 1994 président du conseil scientifique de la Cinq et, de 2004 à 2018, chroniqueur à France Info où il commente l’actualité.
Dans son dernier ouvrage, Petite Poucette (2012), le plus populaire, le philosophe analyse la transition numérique, qui bouleverse nos apprentissages, nos savoirs, nos façons de faire société et notre rapport au monde. Pour réussir cette transition, comparable à la fin de l’Empire romain ou la Renaissance, il nous invite à se convaincre que le nouveau monde ne saurait être pensé avec les cadres conceptuels du passé : c’est peut-être là l’essentiel de son message, en tout cas de la méthode qu’il nous invite à suivre.
Penseur de la science, historien des sciences autant que philosophe, la dernière époque de son travail, au XXIème siècle, s’est trouvée à l’intersection de la crise écologique, de la révolution numérique, et de ce qu’il appelait la nouvelle humanité, tous sujets qui sont placés eu cœur de la réflexion des auditeurs du cycle « Affronter les transitions ». c’est pourquoi les auditeurs et auditrices ont choisi de placer leur promotion sous son parrainage, ce qui est aussi une façon de lui rendre hommage.
Blaise Georges
12 décembre 2007 : l’Inria fête ses 40 ans. Pour clore un événement de 2 jours qui avait rassemblé 1700 chercheurs et collaborateurs de l’institut, l’invité de marque était Michel Serres, convié pour nous parler de la révolution de l’information. Après une heure d’un exposé passionnant, où seul, assis à une petite table, sans une seule note, il nous avait tenu en haleine en brossant une fresque prodigieuse de l’histoire des techniques et de l’humanité, parcourant alors la salle immense de son regard bleu lumineux et facétieux, il nous demande si nous connaissions l’histoire du martyre de Saint Denis. Puis il enchaîne : Saint Denis était à Lutèce un des premiers évêques guidant une communauté de chrétiens à l’époque où l’Empire romain les persécutait. Un jour qu’il disait la messe devant des fidèles dans une catacombe, une escouade de légionnaires fit irruption pour les arrêter. D’un coup de sabre, le centurion décapita Saint Denis. Alors se produisit le miracle : le corps supplicié de l’évêque se baissa, ramassa sa tête et , la tenant à deux mains devant la poitrine, s’avança parmi les soldats stupéfaits et terrifiés. Vous, chercheurs du numérique, vous êtes comme Saint Denis, nous dit Michel Serres. Vous avez déposé votre tête devant vous dans des machines et vous avancez… Il vous reste alors à devenir intelligents !
Sylvane Casademont, directrice de l’IHEST
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