L’IHEST porte haut la démarche scientifique parce qu’elle s’appuie sur l’observation des faits, l’analyse critique, la controverse et le débat, pour finalement parvenir à prendre des décisions éclairées, autant que possible dépourvues de toute idéologie manipulatoire.
Pour cela, l’IHEST porte haut le respect des idées et des opinions, la tolérance, la prise de recul et l’esprit critique, valeurs héritées de l’humanisme et prônées par les Lumières, qui sont la face la plus lumineuse de la révolution française et qui ont produit la République et la démocratie. La démocratie, qui reste « le meilleur des régimes » car elle seule garantit les libertés, conquises de haute lutte et dont la liberté d’expression est une des plus essentielles.
Les articles 4, 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen(ne ?) de 1789 en posent à la fois les principes et les limites. Article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. Lesquels cas sont précisés dans l’article 4 : « Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ... » et par l’article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. » Il faudrait donc ne pas tomber dans un piège grossier, notamment vis-à-vis des réseaux sociaux et qui consiste, au nom de la liberté d’expression, à tolérer calomnies, délations, déferlement de haines et pousse-au-crime. La limite que la démocratie se donne est la loi. La loi qui, selon l’article 5, n’a le droit de défendre ( = interdire ndr) que les actions nuisibles à la Société. Et qui est, selon l’article 6 : « l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. » Là est la définition de la démocratie, le rempart qui empêche que la loi ne soit l’expression d’un homme, d’une faction, d’un groupe d’extrémistes.
L’horrible assassinat de Samuel Paty, dont le travail était de transmettre et de s’appuyer sur les faits, est en ce sens une atteinte à la République et à la démocratie. En montrant les caricatures de Mahomet à ses élèves (tout en respectant ceux qui pouvaient ne pas vouloir les voir), il pratiquait la démarche scientifique historique : aller voir les sources, observer exactement de quoi l’on parle. En les montrant, Samuel Paty faisait son métier d’historien et de professeur. Il n’en faisait pas la promotion ! Il permettait à ses élèves de se faire une opinion en connaissance de cause. Partant, il leur permettait autant de condamner que d’approuver, mais, et c’est toute la différence, en sachant pourquoi ils condamneraient ou ils approuveraient. Et c’est cette différence qui l’a tué, au fond : car la manipulation des fanatiques et dictateurs de tous poils consiste toujours à cacher la réalité pour diffuser leur propagande et leurs explications. Les islamistes fanatiques l’ont bien compris Leur propagande est un couteau qui ne demande qu’une main endoctrinée pour trancher le fil d’une vie qui résiste. Je vous engage à relire les travaux de Gilles Kepel, Farad Kosrokhavar, Gérald Bronner et tant d’autres chercheurs.euses qui se penchent sur ces questions.
Tous les professeurs, et plus généralement toutes les citoyennes et citoyens qui pratiquent la démarche scientifique, consistant à revenir à l’observation des faits pour juger par soi-même de ce qu’on doit penser, bref, toutes celles et ceux qui pratiquent la liberté de penser avant la liberté d’expression, qui ne répètent pas ou ne retweetent pas sans vérifier ce que d’autres leur présentent comme vrai font œuvre d’émancipation, de liberté et de démocratie. Tous dressent donc ainsi une barrière à la manipulation, à la calomnie, à l’appel au meurtre, à l’oppression. Tous ceux-ci, toutes celles-ci sont tellement nombreux que, oui, il n’y a aucune raison pour que le fanatisme gagne.
« Sur mes cahiers d’écolier… Sur les marches de la mort… Sur la santé revenue… sur le risque disparu , j’écris ton nom : liberté ! » 1
Sylvane Casademont, directrice de l’IHEST
1) Paul Eluard, Liberté, 1942.
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